dans le cadre de la Carte Blanche aux Rencontres Internationales Paris/Berlin
du vendredi 17 au dimanche 26 novembre 2017
Entrée libre
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Pour cette exposition, nous avons souhaité partir d’une œuvre de Bernard Heidsieck, “Vaduz”, composée en 1974 : une œuvre plastique et sonore qui explore les notions d’altérité et de diversité de la langue. Une œuvre magistrale où est énoncée la liste des peuples et des ethnies existants dans le monde, par-delà les Etats et les nations, où s’opère un renversement entre la centralité et la périphérie, et où s’affirme une part inaliénable de notre liberté, celle d’habiter le monde et de l’énoncer dans sa diversité. Un manifeste à la fois poétique et politique, contre les grands mouvements hégémoniques de l’Histoire et l’aliénation des individus.
Chaque œuvre de l’exposition déploie un mouvement et un rapport à l’espace spécifiques, comme quatre tentatives d’embrasser le réel et d’indiquer la possibilité ou l’impossibilité d’habiter le monde. Un espace vertical ouvrant sur un abîme chez Christian Barani, un entrelacs hiératique et des espaces réversibles avec Pedro Costa, des ramifications et un espace rhizomatique chez Apichatpong Weerasethakul. Enfin, un mouvement circulaire et monumental avec Bernard Heidsieck.
Les individus évoqués ou filmés dans chaque œuvre ont en commun l’imminence de la perte, ou son risque. A l’opposé du concept d’habitat comme patrimoine matériel, le seul bien qu’ils ont est l’avoir qu’ils ont d’eux-mêmes, leur langue, leur travail, leurs gestes, et leurs actes.
Christian Barani filme à Karaganda au Kazakhstan les visages de mineurs, au moment de leur descente à la lueur de lumières frontales, auxquels fait écho la musique d’Olivier Messiaen dont le mode de composition dérive de la structure des chants d’oiseaux. Pedro Costa revient dans le quartier de Fontainhas à Lisbonne où vivent les immigrés du Cap-Vert. Les deux images de l’oeuvre, réversibles, et leur envers, le monde sonore, articulent une dialectique inapparente du dehors et du dedans, et nous introduisent à l’incommensurable. Apichatpong Weerasethakul déploie dans le village de Toongha en Thaïlande une allégorie de l’acte de résistance. De l’espace des habitations aux paysages enveloppés de brume, la vapeur blanche devient à la fois ce qui protège et ce qui rend possible, nous assistons littéralement à une contamination de l’espace, et à son expansion, inéluctable et poétique.
Les quatre œuvres de l’exposition parlent, chacune à leur façon, d’individus situés aux périphéries de l’Histoire et de nos sociétés contemporaines, et nous introduisent à cette question existentielle du lieu et du temps spécifiques dans lequel nous vivons. Chaque œuvre énonce une part de ce qui constitue notre dignité fondamentale, ainsi qu’une énigme de l’espace et du temps : ce qui advient, là où nous sommes.
Jean-François Rettig, Nathalie Hénon
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ŒUVRES EXPOSÉES
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Bernard Heidsieck : Vaduz
Facsimilé en édition numérotée : carte géographique, feutre et bandes de tapuscrits découpées et collées sur papier imprimé. Enregistrement audio – 11’58’’ – France – 1974
Christian Barani : Prolégomène à la lumière
Installation vidéo mono-canal, son – hdv – couleur – 7’ – France – Kazakhstan – 2013
Pedro Costa : Minino macho, Minino fêmea
Installation vidéo, double projection 4:3, son – dv – couleur – 34’ – Portugal – 2005
Apichatpong Weerasethakul : Vapour
Installation vidéo mono-canal, son – hdv – noir et blanc – 21’ – Thaïlande – 2015